Huguenots et évangéliques – Une comparaison peu flatteuse

Gosselin Paul - 24.03.2014

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APV-NN - 24.03.2014

Article de Paul Gosselin :

J’avais commencé ma lecture des Larmes[1] de Jacques Pineton de Chambrun en me disant : Ouais, encore une lecture édifiante décrivant les souffrances et le courage des Huguenots. Mais après quelques pages je me rends vite compte que le titre, «Les Larmes», traite non seulement des persécutions des Huguenots, mais d’autres choses également. Assez rapidement Pineton de Chambrun nous parle de sa «faute» et de «son péché». Qu’est-ce que... Je dois avouer avoir eu un moment d’hésitation. Est-ce que ça va mal tourner? Est-ce que, comme des leaders chrétiens de notre génération pris dans un péché grave, Pineton de Chambrun va excuser son péché ou nous affirmer que ça ne regarde que Dieu et lui, et que les autres n’ont pas à s’en mêler? Même si c’est avec quelques appréhensions, j’ai tout de même poursuivi ma lecture et j’ai vu finalement que le récit de Pineton de Chambrun prend une toute autre tournure, une tournure tout à fait édifiante et à mon avis tout à fait respectueuse des règles de comportement du chrétien prescrites par les Ecritures. Mais je ne vends pas la mèche. Si vous voulez en savoir plus, il faudra lire...

Il faut préciser qu’il y a bien faute de la part de Pineton de Chambrun, non pas un péché de mœurs, mais péché contre la vérité. Mais la faute de Pineton de Chambrun a eu lieu au milieu de violence et de souffrances terribles. Si peut-être les chrétiens Russes ayant survécu à la persécution sous Staline ou encore les chrétiens vivant la persécution dans un pays islamique pourraient juger de la chose, il serait assez difficile pour un chrétien grassouillet d’Occident d’en juger. Mais de toute manière n’oublions pas que Dieu est le juste juge et c’est devant Lui seul qu’un jour il nous faudra tous répondre de nos gestes et attitudes.

Mais tenant compte des circonstances vécus par Pineton, très peu de leaders chrétiens actuels oseraient affirmer que son geste soit un péché grave. Mais Pineton de Chambrun le considère certainement sous cet angle, et ses contemporains (protestants) également. Si ces Huguenots du XVIe ou XVIIe siècles étaient souvent prêts à mourir pour la vérité, il faut constater par contre que c’est loin d’être le cas des évangéliques occidentaux de notre génération. Trop souvent, on se souci assez peu de vérité et on est plutôt prêt à tous les compromis lorsque s’attacher à la vérité pourrait mettre en jeu notre confort matériel, social ou intellectuel. Comme les chrétiens des premiers siècles[2], bon nombre d’Huguenots étaient prêts à mourir, subir l’exile ou se voir réduits à l’esclavage pour le reste de leurs jours plutôt que renier la vérité des Ecritures. Mais chez les évangéliques de ma génération, on trop souvent prêts à tous les compromis, même lorsque rien ne menace notre prospérité et notre sécurité.

Un contraste qui choque

Ayant lu Les Larmes de Pineton de Chambrun ainsi que Les Tragiques par Agrippa d’Aubigné, j’ai été estomaqué par le courage féroce des Huguenots du XVIe et XVIIe siècles. Dans l’introduction des Tragiques par Ch. Read on relate le récit suivant du potier du roi qui, conduit devant le roi, se voit sommé d’abjurer la foi huguenote et se faire catholique, sinon... Voyez le courage héroïque de ces huguenots :

«Que direz-vous du pauvre potier M. Bernard, à qui le roi parla un jour de cette sorte : “Mon bonhomme, il y a quarante-cinq ans que vous estes au service de la Reine ma mère et de moi; nous avons enduré que vous ayez vescu en vostre religion, parmi les feux et les massacres. Maintenant, je suis tellement pressé par ceux de Guise et mon peuple, qu’il m’a fallu malgré moi mettre en prison les deux femmes et vous. Elles seront demain bruslées, et vous aussi, si vous ne vous convertissez.ˮ “Sire, respond Bernard, le comte de Maulevrier vint hier de vostre part pour promettre la vie à ces deux sceurs si elles vouloient vous donner chacune une nuict[3]. Elles ont respondu qu’encores qu’elles seroient martyres de leur honneur comme celui de Dieu. Vous m’avez dit plusieurs fois que vous aviez pitié de moi, mais moi j’ai pitié de vous, qui avez prononcé ces mots : ‘J’y suis contrainct’. Ce n’est pas parlé en roi! Ces filles et moi, qui avons part au royaume des cieux, nous vous apprendrons ce langage royal que les Guisards, tout votre peuple, si vous ne sçauriez contraindre un potier à fléchir les genoux devant des statues.» «Voyez l’impudence de ce bélistre, ajoute d’Aubigné. Vous diriez qu’il auroit lu ce vers de Sénèque : Qui mori scit, cogi nescil.» «Oui, certes, la France avoit mestier (besoin) que ce potier fût roi, que ce roi fût potier!»

Et dans Les Larmes, Pineton de Chambrun pour sa part, relate ces événements :

«On jugera mieux de notre état par le récit que je m’en vais faire. Un enfant âgé de neuf ans, nommé Louis Villeneuve, fut accusé d’avoir commis quelque irrévérence dans la chapelle qu’on avoit dressée dans le château. Ce pauvre innocent fut mis dans une grosse tour, passant les nuits à implorer avec de grands cris le secours de son père et de sa mère, et, le dimanche suivant, il fut produit en spectacle public, précisément à l’heure qu’on allait au temple, ayant la hart[4] au cou, lié et garrotté, fustigé par un bourreau, qui pleuroit à chaudes larmes de ce qu’on lui faisoit faire, environné de soldats de la garnison, et le tambour battant à tous les carrefours de la ville. Ce spectacle inouï me toucha si fort le cœur, que je tombai dans une dangereuse maladie, et me fis une grosse affaire avec le commandant, auquel je reprochai en face son inhumanité et la barbarie dont il avoit usé envers cet innocent, que j’ai regardé toute ma vie comme un illustre confesseur.»

Mais malgré de tels événements, les Huguenots français tinrent ferme. Malgré la prise et le pillage de leurs maisons par les dragons[5], malgré l’exil, l’emprisonnement et la condamnation aux galères des hommes. Sous de telles pressions, il y eut évidemment des abjurations, quelques conversions (volontaires ou forcées) au catholicisme[6]. Rien d’étonnant, c’est la nature humaine, mais ce qui est étonnant ce sont les nombreux cas d’Huguenots qui ont persévérés dans les circonstances les plus horribles. Ces Huguenots ont démontré un attachement à, et un amour de, la Vérité qui nous est bien étranger, à nous les évangéliques du XXIe siècle.[7] Mais il faut nous demander quel pouvait être la source de leur courage?[8]

Pour tout dire, j’avoue qu’en lisant d’Aubigné ou Pineton de Chambrun[9] j’ai honte de ma génération d’évangéliques car dans des circonstances bien moins dramatiques que celles vécus par les huguenots des XVIe ou XVIIe siècles, nous[10] détruisons notre témoignage pour marcher selon le train de ce monde politiquement correcte. Des hommes évangéliques sont pris au piège de la pornographie sur Internet et des femmes évangéliques insensées brisent les vœux (qu’elles ont prononcé devant Dieu et les hommes) pour détruire leurs foyers en divorçant leurs maris fidèles. D’autre part on voit des pasteurs, théologiens et autre «grand chrétiens» qui font des compromis sur la vérité dans le but de vivre confortablement dans la génération postmoderne où chacun a «sa vérité» et où on ne tolère pas se faire rappeler qu’un jour TOUS auront des comptes à rendre de devant le Dieu Saint. Il faut donc se demander pourquoi ce contraste si violent entre les Huguenots du XVIIe siècle et notre génération. A quoi cela tient-il? A mon sens, il y a au moins deux facteurs qui ont influencé cet état des choses.

Les attentes face à la vie

A mon avis, il ne faut pas s’étonner de la débandade morale et du désordre doctrinal chez les évangéliques actuels. Il n’y a pas de hasard, car ces comportements des évangéliques modernes résultent du fait que l’on a prêché dans nos églises depuis plus d’une génération un évangile estropié et superficiel, sans jugement[11], ni repentance. Pourquoi s’étonner d’un niveau spirituel si bas dans notre génération d’évangéliques? Récemment un ministère américain bien connu auprès des homosexuels a fermé ses portes en 2013, car les fondateurs ont désormais renoncé à pousser les homosexuels vers une vie en règle avec les Ecritures et se sont même excusés de leurs «torts» envers les LBGT[12]. Ils ont cédés aux medias politiquement correctes. On ne fait que récolter ce que l’on a semé pendant tant d’années... Si on a semé de l’ivraie dans nos églises sous la forme d’une théologie superficielle et flatteuse, il ne faut donc pas s’étonner de récolter de l’ivraie, c’est-à-dire la capitulation et le compromis plutôt que la fermeté devant l’adversité. Si on nous a prêché que le chrétien a le «droit» d’être heureux, d’être béni, pourquoi cela n’inclurait-il pas TOUTES nos pulsions sexuelles? Comment se fait-il qu’en Occident le mouvement évangélique[13], avec toutes ses ressources matérielles, stagne dans sa croissance (malgré les millions qu’on dépense en trucs marketing et évangélisation), tandis que dans la pauvreté du tiers-monde il explose? Serait-ce dû à des compromis dans le message que l’on prêche ici?

A mon sens ces compromis ont commencés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle lorsque les évangéliques[14] se sont retrouvé confrontés à diverses idéologiques matérialistes issues des Lumières dont le marxisme, le nazisme ainsi que le capitalisme. Toutes ces idéologies rejetaient le Dieu de la Bible et le surnaturel, mais le cœur de l’homme cherche toujours un lieu saint, un lieu de paix et puisque le paradis céleste était dès lors hors de leur portée[15], alors ces idéologues ont proposé des paradis terrestres. Si le nazisme et le communisme ont basculés, le capitalisme propose encore son paradis factice de la consommation. Mais les évangéliques du XXe siècle, plutôt que remettre en question et tourner en ridicule ces paradis bidons, ils ont choisi de les imiter, mais avec un «packaging évangélique» évidemment. C’est ainsi que l’on a proposé chez les pentecôtistes le mouvement «Word Faith» et «l’évangile de la prospérité» (ainsi que des tas de prédicateurs qui ont imité plus ou moins consciemment ces mouvements). Et chez les autres évangéliques, il y a la tendance «Easy Believerism», c’est-à-dire un «évangile» marketing où il n’est question que de «l’amour» et de la «grâce» divine, mais sans prédication du péché, du jugement ou de repentance. Bien sûr ces termes subsistent toujours chez les évangéliques, mais à titre de bibelots folkloriques ou comme «bagage culturel». Ce qui domine chez nous est donc un «évangile» flatteur et impotent. Et s’il y a des convertis véritables, c’est malgré un tel message... Est-ce à l’Eglise d’Occident que l’Esprit s’adresse?

Ecris à l’ange de l’Eglise de Laodicée : Voici ce que dit l’Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu : Je connais tes œuvres. Je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. Parce que tu dis : Je suis riche, je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d’acheter de moi de l’or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies. Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime. Aie donc du zèle, et repens-toi. Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j’ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône. Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises! Apoc. 3 : 14-22

Si donc cet évangile superficiel a proclamé que l’on pouvait construire notre petit paradis ICI-BAS, cela explique trop bien pourquoi nous sommes si tolérants au compromis lorsqu’augmente la pression de nos circonstances de vie. On aime bien plus notre confort que la Vérité. On cherchera la porte de sortie la plus proche afin maintenir notre confort et notre niveau de vie. Gloire à Dieu, ici et là, il y a quelques chrétiens faisant exception évidemment, mais s’il y en a, à mon avis c’est une grâce de Dieu uniquement et malgré cette théologie.

Et puisque cet évangile superficiel ne s’intéresse qu’à la vie ici-bas, devant la souffrance et la mort elle n’a que des banalités pathétiques à nous offrir. Cet évangile superficiel met résolument de côté l’affirmation des Ecritures que nous (même le chrétien né de nouveau) vivons dans un monde déchu[16]. Cela explique tant de dépressions et suicides chez les chrétiens. Cela explique également tant de divorces chez les évangéliques car après tout, vous les prédicateurs superficiels, vous avez si longtemps prêché que les chrétiens avaient le «droit» d’être heureux/se, le «droit» d’être béni/e. Et si un jour on découvre que l’on est «malheureux/se dans son mariage», il est tout à fait logique de chercher la porte de sortie si on bouffé un tel enseignement. Pour ma part, j’espère un jour voir de mes yeux se repentir en publique ceux et celles qui ont prêché cet évangile superficiel. Ma prière est que Dieu nous envoie à nouveau des Jean-Baptistes, pour préparer la voie du Seigneur. Et peut-être alors pourra-t-on penser à un Réveil véritable, mais pas avant...

Contrairement aux évangéliques du XXIe siècle, les chrétiens de la génération d’Aubigné et de Pineton de Chambrun savaient qu’ils vivaient dans le monde déchu où personne n’a le «droit» d’être heureux. A une époque où par exemple la chirurgie se faisait sans anesthésie, une telle idée leur aurait d’ailleurs semblé tout simplement ridicule... Ici-bas, tout est grâce, les bons jours autant que les mauvais.

Imiter les paradis de pacotille?

Ils rejetèrent ses lois, l’alliance qu’il avait faite avec leurs pères, et les avertissements qu’il leur avait adressés. Ils allèrent après des choses de néant et ne furent eux-mêmes que néant, et après les nations qui les entouraient et que l’Eternel leur avait défendu d’imiter. II Rois 17 : 15

Comme on l’a mentionné déjà, au XXe siècle les évangéliques se sont retrouvés confrontés aux idéologies issues des Lumières, rejetant le surnaturel. Parmi ceux-ci il y a ce que les évangéliques appellent communément «l’humanisme», le communisme, le nazisme et le capitalisme. Mais le cœur de l’homme garde un souvenir instinctif du Paradis d’où il est tombé et où il cherche (confusément) retourner. Evidemment les idéologies matérialistes ont dû proposer des paradis aussi, mais des paradis matérialistes, des paradis ici-bas. Mais devant ces paradis de pacotille, plutôt que les critiquer ou ridiculiser, les évangéliques du XXe siècle ont cru bon de se rendre eux-mêmes ridicule, en les imitant... Et c’est ainsi qu’on s’est mis à prêcher un évangile sans remise en question, sans jugement, sans repentance et promettant (comme les idéologies mondaines dominantes) un paradis ici-bas. Ainsi on a annoncé aux chrétiens qu’il suffisait d’avoir la «foi» pour obtenir toutes les promesses de Dieu pour la prospérité, la santé et les bénédictions sociales et psychologiques.

Mais si les évangéliques du XXe siècle n’ont pas su critiquer les idéologies matérialistes et leurs paradis de pacotille, Dieu les a jugés. Le paradis nazi du IIIe Reich (supposément millénaire) a été pulvérisé par la guerre et n’a duré que 12 ans.[17] Le paradis matérialiste du communisme Soviétique a duré 70 ans avant de s’écrouler également[18] et à mon avis les jours du capitalisme occidentale (avec son «paradis» de consommation, «l’American Dream») sont aussi comptés. Son tour viendra,[19] Dieu sait quand.

Mais depuis la Seconde guerre mondiale on a vu au moins deux générations d’évangéliques bouffer de la camelote, un message nous affirmant qu’on a le «droit» d’être heureux et que l’on peut se construire ici-bas un petit paradis. Cela avait commencé déjà à l’époque de C.S. Lewis. Dans Dieu au banc des accusés, l’intervieweur lui posa la question suivante : «A votre avis, laquelle des religions du monde propose à ses disciples le plus grand bonheur?» La réponse de Lewis est décapante et pleine d’ironie (1947/2002 : 58) :

«Laquelle des religions du monde donne à ses adeptes le plus grand bonheur? Pendant qu’elle dure, la religion de l’adoration de soi est la meilleure. J’ai une connaissance âgée d’environ quatre-vingt ans, qui a vécu une vie d’égoïsme et d’auto-admiration ininterrompue dès les premières années et qui est, plus ou moins, j’ai le regret de le dire, l’un des hommes les plus heureux que je connaisse. Du point de vue moral, c’est une question très difficile! Mais je n’aborde pas la question sous cet angle. Comme vous le savez peut-être, je n’ai pas toujours été chrétien. Je n’ai pas approché la religion pour me rendre heureux. J’ai toujours su qu’une bouteille de Porto ferait l’affaire. Si vous voulez une religion pour assurer votre confort dans cette vie, je ne vous recommande certainement pas le christianisme. Je suis certain qu’il doit y avoir un gadget américain sur le marché qui vous conviendra beaucoup mieux, mais je ne peux pas donner d’avis à ce sujet.»*

Evidemment Lewis attire l’attention sur une distinction que l’intervieweur a négligé de faire. Le «bonheur», mais quel bonheur au juste? Le bonheur ici-bas ou le bonheur éternel? Ce sont deux choses très différentes. Au sujet du bonheur d’ici-bas, l’apôtre ne mâchait pas ses mots pour abattre ce paradis de pacotille : Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes (I Cor. 15 : 19). Et lorsque plusieurs générations d’évangéliques bouffent une théologie superficielle leur promettant un paradis ici-bas, il ne faut pas s’étonner qu’ils soient dépourvus devant les difficultés de la vie, la souffrance et la mort. Mais pour les premiers chrétiens, cela n’avait rien d’étonnant car ils connaissaient les Ecritures :

Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien. Jacq. 1 : 2-4

Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés en Jésus-Christ à sa gloire éternelle, après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables. A lui soit la puissance aux siècles des siècles! Amen! I Pierre 5 : 10-11

Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j’ai vaincu le monde. Jean 16 : 33

Un fossé creusé entre les Huguenots et les évangéliques du XXIe siècle

Quiconque entend ces paroles que je dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison : elle n’est point tombée, parce qu’elle était fondée sur le roc. Mais quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison : elle est tombée, et sa ruine a été grande. Mat. 7 : 24-27

D’où vient ce fossé entre les comportements et attitudes des Huguenots du XVIIe siècle et ceux des évangéliques du XXIe? A mon avis, il faut tenir compte d’un mouvement intellectuel qui se situe entre nous et eux, c’est-à-dire le Siècle des Lumières. Ce mouvement a attaqué la Bible de front et plus particulièrement le livre de la Genèse. Cela s’est fait en deux étapes. On a d’abord coupé Dieu de sa Création. C’est l’apport du déisme qui fut représenté par des penseurs tels que Voltaire et Descartes[20]. Mais le déisme n’a été qu’une étape passagère. La prochaine étape, le matérialisme, visait l’élimination complète de Dieu, le Créateur et le Juge devant lequel un jour tous les hommes devront rendre des comptes. Le matérialisme a été promu d’abord par des individus tels que La Mettrie, Diderot, David Hume, Hegel, Nietzsche, Camus, Sartre et bien d’autres. Il faut dire aussi que de tout temps, les francs-maçons ont été des promoteurs zélés de l’idéologie des Lumières (sous ses deux formes). Mais cette vision du monde avait une faiblesse, il manquait une explication crédible des origines. On attendra la contribution de Charles Darwin pour combler ce vide. Dans son essai L’horloger aveugle, Richard Dawkins expose l’apport idéologique crucial de Darwin (1986/1989 : 21) :

Un athée d’avant Darwin aurait pu dire, à la suite de Hume : «Je n’ai pas d’explication qui rende compte de l’ordonnancement complexe du biologique. Tout ce que je sais c’est que Dieu n’est pas une bonne explication, donc nous devons attendre en espérant que quelqu’un en trouve une meilleure.». Je ne peux m’empêcher de penser qu’une telle position, bien que saine du point de vue logique, ne laisse pas d’être quelque peu frustrante, et que même si l’athéisme avait pu être acceptable sur le plan logique avant Darwin, c’est grâce à Darwin si l’athéisme[21] a pu être une solution pleinement satisfaisante pour l’intellect.

Ouais, toute religion (matérialiste ou pas...) a besoin d’un mythe d’origines... Un élément clé dans le projet des Lumières a été d’ériger la science en Vérité, en savoir Absolu, ce qui en fait un compétiteur direct des Ecritures. Le physicien français Jean-Marc Lévy-Leblond décrit bien le résultat lorsque l’équation Science=Vérité est bien ancré dans les esprits (1975 : 41) :

«Les gens en général, bien qu’on leur enseigne certains des plus grossiers et des plus anciens résultats de la science, ont toujours eu peu ou pas de compréhension de ce qu’est réellement la science en tant que méthode. Cette ignorance a été perpétuée par tout l’enseignement primaire, secondaire, et même par l’importante partie de l’enseignement universitaire qui ne constitue pas une préparation à la recherche : la science y est enseignée dogmatiquement, comme une vérité révélée. Aussi, le pouvoir du mot «science» sur l’esprit du grand public est-il d’essence quasi mystique et certainement irrationnelle. La science est, pour le grand public et même pour beaucoup de scientifiques, comme une magie noire, et son autorité est à la fois indiscutable et incompréhensible. Ceci rend compte de certaines des caractéristiques du scientisme comme religion.»

C’est un commentaire très fort, mais dans le monde francophone, où pèse si lourdement l’héritage du Siècle des Lumières, on ne se demandera jamais pourquoi le scientisme a pris racine à ce point en Occident. Si on poussait plus loin, il faudrait en effet exposer l’influence de la pensée des Lumières et dans le monde francophone particulièrement on rencontre TRÈS rarement des érudits osant faire ce lien. Un autre volet de l’argument humaniste, que l’on rencontre fréquemment dans le bla-bla universitaire et médiatique, est le vieux mensonge que le christianisme est foncièrement anti-scientifique.

Mais il faut tenir compte qu’avant la pénétration de l’influence des Lumières, pratiquement toutes les élites scientifiques et culturelles en Occident adhéraient à une interprétation littérale de la Genèse et ne voyaient aucun «conflit» entre la Bible et la science. Dans ses «Pensées» le mathématicien français Blaise Pascal[22] aborde le déluge de Noé simplement comme un événement historique (1670/1964 : 245) :

«Lorsque ceux qui avaient vu Adam n’ont plus été au monde, Dieu a envoyé Noé, et l’a sauvé, et noyé toute la terre, par un miracle qui marquait assez le pouvoir qu’il avait de sauver le monde...»

Même l’athée et mathématicien britannique Bertrand Russell décrivant les attitudes cosmologiques de l’imminent physicien Isaac Newton se voit forcé d’admettre (1971 : 40-41) :

«Les travaux de Newton (le système de Copernic ayant été admis) n’ébranlèrent en rien l’orthodoxie religieuse. Newton lui-même était profondément religieux, et croyait à l’inspiration littérale de la Bible. Son univers ne comportait aucune évolution, et, à s’en tenir à sa théorie, pouvait aussi bien avoir été créé d’un seul coup. Pour expliquer les vitesses tangentielles des planètes, qui les empêchent de tomber vers le soleil, il supposait qu’elles avaient été initialement lancées par la main de Dieu; ce qui s’était passé depuis s’expliquait par la loi de la gravitation. (...) à s’en tenir à ses déclarations publiques et officielles, il paraissait être en faveur d’une création soudaine du soleil et des planètes, tels que nous les connaissons, et exclure toute idée d’évolution cosmique.»

L’historien catholique français Bossuet dans son Discours sur l’histoire universelle (1681) entame son étude de l’histoire de l’Occident avec le récit de la Genèse pour en aboutir aux rois de France... Si on met la main sur une vieille copie ça vaut le coût, car dans la marge on affiche l’année de l’événement, calculé à partir de la Création! Cela nous replonge vraiment dans une autre époque et dans une autre manière de voir le monde! Et chez les artistes, Il y a évidemment les œuvres de Bach et Haendel ou le Paradis Perdu de Milton, inspirés directement de la vision du monde judéo-chrétienne. Moins connu, Michel-Ange Falvetti composa en 1682 l’oratorio Il diluvio universale (avec un libretto de Vincenzo Giattini). Récemment, cette œuvre fut redécouverte (la musique retrouvée dans une ville et les paroles dans une autre), reconstruite, et donnée en spectacle au Festival d’Ambronay en France. C’est en ligne ici avec sous-titres français et anglais :

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=ZOE2A-A6yfs

Dans cette œuvre, la justice divine, la nature humaine, l’eau, le feu, la terre, et la mort sont tous personnifiées. Noé et sa femme (à qui on a donné le nom de Rad) chantent un duo, des gouttes d’eau tombant d’un luth se transforment pour devenir une inondation, et des chanteurs s’arrêtent au milieu d’une phrase tandis qu’ils meurent, et les survivants du Déluge se réjouissent à vue de l’arc en ciel. Il faut bien comprendre qu’avant la pénétration du système idéologico-religieux des Lumières le récit de la Genèse était la cosmologie des élites!

Pour nous donc il y donc un grand choc (avoué ou non) lorsque nous lisons les premiers chapitres de la Genèse, mais cela est dû essentiellement à la propagande des Lumières qui a renversé la vision biblique des origines en Occident et qui a désormais une emprise presque absolue sur les grandes institutions sociales en Occident (particulièrement chez les francophones). Mais plutôt qu’accepter et assumer le conflit entre la Genèse et la cosmologie moderne ou postmoderne, les évangéliques ont trop souvent cru bon de trouver une solution plus commode, soit adapter notre théologie à la culture dominante, c’est-à-dire faire des compromis et faire du livre de la Genèse un récit folklorique qui peut «tout de même» nous apporter un «enseignement spirituel».

La propagande mensongère des Lumières nous assure aussi que le christianisme a toujours été anti-scientifique. La comparution de Galilée devant l’Inquisition est cité comme la preuve classique[23]. L’historien hollandais réformé Reijer Hooykaas a écrit plusieurs ouvrages très utiles sur la contribution essentielle de la vision du monde judéo-chrétienne au développement de la science. Il y a quelque temps, j’ai mis la main sur un petit article en anglais de Hooykaas dont le titre peut-être traduit par «Une approche chrétienne dans l’enseignement des sciences» qui couvre beaucoup de terrain intéressant. Il démarre lentement, mais la section sur le scientisme est TRES utile. Une lecture utile pour tout chrétien en sciences, en enseignement ou dans les sciences sociales.

Plusieurs théologiens et scientifiques évangéliques nous disent, touchant la question des origines, qu’il est nécessaire de céder unilatéralement devant les «faits» de la «science». A mon sens ils font preuve d’une naïveté philosophique malavisée touchant les limites de la science. Tandis que la majorité des fondateurs de la science moderne (Newton, Galilée, Pascal et d’autres) avait une conception plutôt réduite de l’autorité de la science (valable SEULEMENT pour les objets et processus observables) la pensée des Lumières a établi la science comme une réponse à TOUT. L’ironie c’est qu’au XXe siècle les progrès dans la philosophie de la science (anglophone surtout, évidemment...) ont réduit en ruines les prétentions grandioses des disciples des Lumières[24]. Mais évidemment les medias et le système d’éducation ne font aucun écho de cet état de fait. Ils ont leur salade à vendre après tout...

On est donc passé en Occident d’une science humble, acceptant l’autorité des Ecritures sur la question des origines, à une conception due aux Lumières où la science est conçue non seulement comme Vérité, mais aussi comme une réponse totale, rendant compte de TOUS les aspects de la vie humaine. En somme on a fait de la «science» (ainsi conçue) une idole, une religion...

Dans cette situation on retrouve aujourd’hui bon nombre d’évangéliques qui refusent la moindre remise en question de toute affirmation dite «scientifique». Dans certains cas cette réaction est dû à une naïveté philosophique, dans d’autres à un désir d’assurer son «zone de confort» intellectuelle, sinon protéger ses acquis professionnels[25]. On peut se demander si les compromis intellectuels des protestants francophones vis-à-vis la pensées des Lumières (et leurs conséquences énormes dans le débat sur les origines) n’ont pas commencé avec le «bon roi» Henri IV[26] qui a dit un jour : «Paris vaut bien une messe...»[27]

A mon avis, les francophones ont subi sans restrictions et accepté sans opposition la pénétration de l’idéologie des Lumières. Chez les protestants anglophones, il y a une longue tradition critique des Lumières. Chez les francophones protestants, non... Et ce système idéologico-religieux a érigé une idole dans les esprits francophones, une VERITE absolue qui s’oppose à la Parole de Dieu, soit la Science [matérialiste], devant laquelle même les théologiens doivent plier l’échine.

Matérialisme et Evangile

«Pour le scientifique qui a vécu toute sa vie en s’appuyant sur sa foi dans le pouvoir de la raison, l’histoire se termine dans un cauchemar. Il a escaladé les montagnes de l’ignorance, il a conquis le plus haut sommet et, comme il grimpe sur le dernier rocher, il est accueilli par une bande de théologiens qui ont été assis là pendant des siècles.»* (Robert Jastrow; God and the Astronomer.)

Lorsqu’on compare le progrès de l’évangélisation dans le Tiers-monde et la très maigre et chétive «récolte» qui récompense les efforts (et dépenses) des évangéliques en Occident, il y a lieu de se demander si l’influence de la théorie de l’évolution (qui détruit de manière très efficace le concept d’une loi divine absolue, puisqu’elle évacue le Créateur et Législateur Divin) n’est pas un facteur très important expliquant cet état des choses. C.S. Lewis a bien constaté l’existence de ce fossé entre l’homme ancien[28] et l’homme moderne[29] et a compris les changements qu’elle a entraînés en Occident. Dans son essai Modern Man and His Categories of Thought Lewis a noté (1986 : 61) :

«Les premiers missionnaires, les Apôtres, prêchaient à trois sortes d’hommes, aux Juifs, aux gentils convertis à la religion juive (désignés par le terme technique “metuentesˮ) et aux païens. Dans ces trois groupes, ils pouvaient compter sur l’adhésion à certains présupposés qui sont absents dans notre génération. Tous ces groupes admettaient l’existence du surnaturel (même chez les épicuriens, bien qu’ils croyaient que les dieux ne s’intéressaient pas aux hommes). Tous étaient conscients du péché et craignaient le jugement divin. La philosophie d’Epicure, en promettant la libération de cette crainte, prouve l’omniprésence de ce présupposé. Les religions à mystères offraient la purification ainsi que la libération et dans nos trois groupes, la majorité croyait que le monde ait été dans un meilleur état dans le passé. Le concept juif de la Chute et la conception de l’Âge d’or chez les stoïciens ainsi que l’admiration presque universelle chez les païens pour les héros, ancêtres et législateurs d’époques anciens soulignent un consensus dans le monde antique. Le monde que nous tentons de convertir ne partage aucune de ces prédispositions. Dans le dernier siècle, l’esprit du grand public a été transformé de manière radicale.»*

Lewis signale que le fossé creusé par le Siècle des Lumières a eu des conséquences théologiques immenses. Les rôles de l’homme et de Dieu sont désormais inversés (1947/2002 : 244) :

«L’homme des temps anciens approchait Dieu (ou les dieux) de la même manière que l’accusé s’approche du juge. Pour l’homme moderne, les rôles sont tout à fait inversés. L’homme est juge et Dieu est au banc des accusés. Mais l’homme est un juge clément, si Dieu peut proposer une défense raisonnable pour être le dieu qui permet la guerre, la pauvreté et la maladie, on sera prêt à l’écouter. Le procès peut même finir avec l’acquittement de Dieu. Mais il importe de retenir que l’homme est désormais juge et Dieu est l’accusé.»*

On peut penser à plusieurs exemples de cette conception ancienne de la responsabilité morale de l’homme devant Dieu, mais le livre de Jonas nous en donne une bonne illustration. Jonas est un bon juif, envoyé prêcher le jugement de Dieu aux habitants de Ninive. Mais si jugement menace Ninive, Jonas n’en n’a rien à cirer et part dans la direction opposée (on peut spéculer que les Ninivites avaient oppressés ou attaqués Israël dans le passé). Mais à l’aide d’une tempête et d’un grand poisson, Dieu lui fait entendre raison à Jonas et finalement il se rend à Ninive et prêche le message de Dieu. Mais comme on le voit dans le récit, le message de Jonas est très laconique : Jonas fit d’abord dans la ville une journée de marche; il criait et disait : Encore quarante jours, et Ninive est détruite (Jonas 3 : 4)! Il faut noter que Jonas ne leur parle même pas de Dieu et d’autre part, Jonas ne mentionne pas la repentance, ni la miséricorde de Dieu.

Mais on voit immédiatement par la réaction des Ninivites qu’ils ont très bien compris le message de Jonas. Il est manifeste qu’ils prennent la chose très au sérieux, ils n’en rient pas. Ils ont tout de suite compromis que c’est Dieu qui les juge et ils reconnaissent également qu’ils ont des comptes à rendre devant lui. Voyez la réaction du roi de Ninive :

La chose parvint au roi de Ninive; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre. Et il fit faire dans Ninive cette publication, par ordre du roi et de ses grands; que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis, ne goûtent de rien, ne paissent point, et ne boivent point d’eau! Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et qu’ils reviennent tous de leur mauvaise voie et des actes de violence dont leurs mains sont coupables! Qui sait si Dieu ne reviendra pas et ne se repentira pas, et s’il ne renoncera pas à son ardente colère, en sorte que nous ne périssions point? Jonas 3 : 6-9

Ah, si seulement il y avait des dirigeants du XXIe siècle qui pourraient réagir de la sorte! Ah, si seulement il y avait, dans notre génération, des médecins avorteurs, des politiciens pourris, des promoteurs de porno, qui pourraient réagir de la sorte!

Il est inévitable que ces changements d’attitudes survenus depuis le Siècle des Lumières aient eu une influence extraordinaire sur la pénétration de l’Evangile en Occident. Et dans mon expérience personnelle, en général, plus un individu est éduqué moins il sera susceptible d’accepter le message de l’Evangile. L’évangélisation faite sans tenir compte de ces obstacles (à moins d’un miracle) aura donc peu d’effet durable. Pour l’homme moderne, tout le langage de l’Evangile (péché, jugement, grâce) est désormais sans intérêt, la réponse à une question que personne ne se pose... Dans le cadre d’une discussion sur l’influence de philosophies modernes sur le christianisme au XXe siècle Francis Schaeffer a dit ceci (1985 : 24-25) :

«Il nous faut donc maintenant savoir si la Bible nous révèle une vérité propositionnelle (c’est-à-dire, une vérité que l’on peut exprimer sous forme de propositions) quand elle nous parle de l’histoire et du cosmos, donc quand elle nous fait part d’événements se déroulant avant Abraham, dans les onze premiers chapitres de la Genèse, ou si elle n’a de valeur que lorsqu’elle traite de sujets purement religieux. T. H. Huxley, biologiste, ami de Darwin, le grand-père d’Aldous et de Julian Huxley, écrivit en 1890 qu’il prévoyait que dans un avenir pas trop éloigné, la foi serait détachée des faits, surtout en ce concerne la période pré-abrahamique de l’histoire, et que cette foi triompherait à jamais. Cette citation est surprenante, car elle date de 1890, c’est-à-dire avant la naissance de la philosophie et de la théologie existentialistes. Elle témoigne d’une perspicacité remarquable. Je suis certain que pour Huxley et ses amis, cette phrase était une sorte de plaisanterie, une blague cynique, car ils comprenaient bien que s’il fallait séparer la foi de tout fait et surtout de l’histoire pré-abrahamique, elle ne serait plus qu’une forme supplémentaire de ce que l’on appelle aujourd’hui un “tripˮ».[30]

Si bon nombre de théologiens et de chrétiens ne veulent pas admettre les conséquences de l’infiltration de la pensée des Lumières et l’adoption de l’évolutionnisme, un athée tel que Richard Dawkins les voit clairement et note dans une interview avec Howard Conder (2011) :

Condor : «Y eut-il un moment particulier, quelque chose que vous avez lu ou expérimenté, qui vous ait forcé à dire : “Ça y est, Dieu n’existe pas?ˮ» Dawkins : «Oh, eh bien, de loin le plus important, je suppose, a été de comprendre l’évolution. Je pense en quelque sorte que les chrétiens évangéliques [créationnistes] ont vraiment vue juste lorsqu’ils considèrent l’évolution comme l’ennemi. Tandis que, comment dire, les théologiens les plus sophistiqués sont tout à fait heureux de cohabiter avec l’évolution, à mon avis ils vivent dans l’illusion. Je pense que les évangéliques ont vue juste et qu’il existe vraiment une profonde incompatibilité entre l’évolution et le christianisme.»*[31]

Devant la montée de la religion des Lumières en Occident, les protestants (et les évangéliques par la suite) se sont réfugiés dans un piétisme «spirituel». Cela eut comme conséquence l’abandon de la culture ainsi que tout le monde intellectuel aux mains des héritiers des Lumières. Et chez les francophones, si sensibles à la culture (la littérature particulièrement), je me demande si ce n’est pas une des raisons pourquoi l’Evangile a pénétré si peu. Si le monde anglophone a ses romanciers chrétiens tels que John Bunyan, John Milton et plus tard C.S. Lewis, chez nous à peu de choses près les protestants français se sont contentés d’œuvres liturgiques ou dévotionnelles[32]. Pour être clair, je ne propose PAS que l’art devienne source de salut, mais la réflexion suivante de C.S. Lewis me semble assez juste, aussi bien pour les intellectuels chrétiens que pour les artistes ou romanciers chrétiens touchant leur rôle dans une culture non chrétienne (1947/2002 : 221) :

«Tout d’abord, toute personne qui accepte le christianisme admettra qu’un intérêt accru pour le christianisme ou encore une sanction accrue de la part des intellectuels, est une chose très différente de la conversion de l’Angleterre ou même celle d’une seule âme. La conversion nécessite une modification de la volonté, et une modification qui, en dernier ressort, ne peut se produire sans l’intervention du surnaturel. Je ne suis pas du tout d’accord avec ceux qui concluent donc que la propagation d’un climat intellectuel (et imaginatif) favorable au christianisme est inutile. Vous ne prouvez pas que les travailleurs d’usine à munitions soient inutiles pour l’effort de guerre en démontrant qu’ils sont incapables de gagner des batailles, bien que ce rappel serait utile s’ils tentaient de revendiquer l’honneur dû aux combattants. Si le climat intellectuel est telle que, lorsqu’un homme arrive au moment de crise où il doit accepter ou rejeter le Christ, et que sa raison et son imagination ne sont pas du mauvais côté, alors son conflit sera menée dans des conditions favorables. Ceux qui tentent de produire ou à diffuser un tel climat font donc un travail utile, bien que ce ne soit pas une grande affaire après tout. Leur part est modeste et il est toujours possible que rien – absolument rien – ne puisse en résulter. Bien au-dessus d’eux se tient ce personnage qui, au meilleur de ma connaissance, le mouvement chrétien présent n’a pas encore produit, le prédicateur au sens plein du terme, l’évangéliste, l’homme en feu, l’homme qui infecte. Le propagandiste ou l’apologiste ne représente que Jean-Baptiste, le prédicateur représente le Seigneur Lui-même. Il sera envoyé ou bien il ne le sera pas. Mais à moins qu’il ne vienne, nous simples intellectuels chrétiens nous ne pouvons effectuer beaucoup. Mais cela ne signifie pas que nous devrions cesser le travail.»*

Mais avec la montée de la pensée des Lumières et son infiltration chez les élites scientifiques et intellectuelles de l’Occident, ce Créateur «trop gênant» a été repoussé. Et plus tard, lorsque l’évolutionnisme de Charles Darwin a été mis à l’avant, on a rapidement compris que, puisque non-dirigé, le processus évolutif est imbécile, non-intelligent. La seule «solution»? Lui accorder une infinité de temps (ou presque). Là encore, pour ce faire il fallait démolir la crédibilité du livre de la Genèse et en faire (dans le meilleur des cas) un récit syncrétique incohérent.

Et aujourd’hui cela place les évangéliques éduqués, les professeurs de théologie et professeurs de collèges bibliques dans une situation délicate, car ce que déclare les Ecritures entre manifestement en conflit avec ce que l’on appelle la «Science», c’est-à-dire la cosmologie matérialiste dominante et ses milliards d’années. Et si ces évangéliques éduqués ont subi avec succès leur lavage de cerveau universitaire, alors, pour sauver la chèvre et le chou, une seule «solution» leur semblera possible, le compromis. C’est le chemin choisi dans le monde anglophone par Hugh Ross/Reasons to Believe, Francis Colins/Biologos, le biologiste moléculaire britannique Denis Alexander et, dans le monde francophone, par des gens comme le théologien protestant Henri Blocher ainsi que par le Réseau des Scientifiques évangéliques dirigé par Lydia Jaeger. Evidemment tous ces groupes n’ont pas tout à fait les mêmes positions sur l’évolution, mais tous rejettent une interprétation directe ou littérale des douze premiers chapitres de la Genèse, car cela leur semble clairement en conflit avec les «faits» de la «science». Mais de quelle «science» au juste? Parfois les adeptes de tels compromis font des déclarations de «foi» aussi ronflantes que contradictoires tels que : «Il est indéniable que la science progresse et qu’elle connaît de mieux en mieux l’univers et la nature. Il est tout aussi indéniable qu’elle n’est, à un moment donné, que provisoire.» N’est-ce pas extraordinaire de construire sa maison sur une fondation aussi solide que provisoire?

Il en résulte alors qu’on échafaudera les hypothèses les plus invraisemblables pour nous expliquer ce que Dieu voulait «vraiment dire» dans ces premiers chapitres de la Genèse. En somme ces théologiens et scientifiques évangéliques présupposent qu’au fond Dieu n’est pas vraiment capable de s’exprimer clairement sur la question des origines et qu’il soit nécessaire de «recadrer» et «réinterpréter» son discours à la lumière des découvertes les plus récentes de la science moderne. Allez-donc dire ça à Dieu! Pensez-vous que Dieu soit impressionné de tout ce savoir? Et s’il a placé le récit des jours de création au DEBUT de sa Parole, se peut-il que ce soit parce que cela ait un but pédagogique c’est-à-dire que si l’on comprend bien (ou mal) la Genèse, cela aura des répercussions sur notre compréhension de tout le reste de la Bible?

A mon avis, il y a une erreur fondamentale dans la position initiale de ces groupes. Ils ignorent ou refusent de comprendre qu’au cours du XXe siècle la philosophie de la science a fondamentalement renversé la conception de la science issue des Lumières, qui a érigé la science comme Vérité afin de détrôner les Ecritures. Dans Fuite de l’Absolu, volume 2, j’examine en détail cette question, mais ici on peut se contenter de signaler que la philosophie de la science (dont Karl Popper, entre autres) a exposé le fait que la science ne peut en aucun cas parvenir à la Vérité. Le projet des Lumières est anéanti. L’idole devant laquelle elle nous demande de nous prosterner n’a jamais été autre chose qu’illusion. D’autre part, si on tien que la science ne s’occupe que d’objets et de processus OBSERVABLES, il en résulte que la science est limitée et ne peut RIEN dire au sujet des origines, car elle ne dispose d’aucun instrument pour observer cet événement.

Mais dans nos milieux francophones, il est très difficile de se faire entendre sur ces questions, car la pensée des Lumières a tellement pénétrée la culture que même les protestants et évangéliques francophones ne songent jamais à s’opposer ces prétentions. Ce serait tout simplement «inconcevable». Cela contraste avec le milieu anglophone où il existe une longue tradition critique à la pensée des Lumières. De ce fait, chez les francophones (même chez bon nombre d’évangéliques), le réflexe conditionné est qu’il faut une explication «scientifique» des origines (c’est-à-dire explication qui soit considérée crédible par les élites matérialistes). Dès lors, l’interprétation directe ou littérale des sept jours de Création se trouve immédiatement larguée et exclue. Et oui, nous les francophones aimons tant se vanter de notre «esprit critique», mais devant les affirmations «scientifiques» des évolutionnistes sur les origines (et sur la question de l’âge de la Terre en particulier) notre comportement fait preuve d’une servilité la plus abjecte.

Je croise parfois des évangéliques éduqués, cherchant à protéger avant tout leur zone de confort intellectuel, qui m’expliquent sur un ton savant que notre interprétation de la Genèse (et tout le débat sur les origines) n’est pas «si important que ça» et ce qui compte vraiment c’est le salut des âmes, l’évangélisation. Mais ceci semble impliquer que tout ce qui intéresse Dieu est de nous éviter l’enfer, rien de plus... La prédication de l’Evangile a évidemment une portée éternelle, mais comment la prédication de l’Evangile peut-il atteindre des gens[33] pour qui la Genèse n’est qu’un beau récit folklorique et par conséquent le péché de l’homme et le jugement de Dieu deviennent des concepts désuets, sans intérêt? Dans ce contexte, il en résulte que le message du sacrifice de Christ sur la croix, mourant pour les péchés du monde, le cœur de l’Evangile, se voit réduit à une anecdote historique ridicule et un peu sadique, sans plus. Dans ce contexte, l’Evangile se voit réduit à la réponse à une question dont personne ne se pose...

Mais on voit par les Ecritures que l’Evangile est plus que la croix, le pardon et la grâce. Ce n’est qu’un côté de l’équation. Il faut voir (et comprendre) l’autre également. La question qui se pose à chacun de nous est : Allons-nous croire tout ce que Dieu a dit (même si c’est en conflit avec l’idéologie actuellement dominant dans le monde qui nous entoure)? Pour ma part, le compromis avec la cosmologie évolutionniste n’a aucun intérêt car mes recherches indiquent que la théorie de l’évolution est déficiente non seulement sur le plan théologique, mais également scientifique et philosophique. Mais si la cosmologie évolutionniste est aujourd’hui dans une position de faiblesse, il est certain que de s’y opposer de manière ferme vous attirera des baffes, que ce soit en milieu éducatif, scientifique, journalistique ou théologique. Aujourd’hui, la situation est tout autre que celle dont faisait face C.S. Lewis par exemple. Ce ne sont pas les arguments qui manquent pour s’opposer au mythe d’origines évolutionniste, mais le courage.

Il faut noter que sur le plan historique l’expérience de la remise en question de la Genèse a déjà été tentée par plusieurs églises. Les églises où les remises en question de la Genèse ont fait leur chemin dans le leadership à la fin du XIXe et au début du XXe siècle[34] appuient aujourd’hui l’avortement et l’ordination de leaders gais. Le processus est graduel évidemment, mais observable. Si les évangéliques ne se soucient pas de ce qui est enseigné actuellement dans leurs collèges bibliques, dans combien de temps est-ce que ce sera notre sort? Ainsi lorsque la remise en question du texte de la Genèse est permise, pourquoi devrait-elle cesser au chapitre 4 ou 13 de la Genèse? Pourquoi ne pas remettre en question le reste de la Bible également, si elle affirme des choses (comme la résurrection de Christ) que la «science» n’admet pas?

«Accommodements déraisonnables» du leadership évangélique?

Dans la meilleure des situations les collèges bibliques évangéliques, là où est formé le leadership de nos églises, survivent avec difficulté. Trouver du personnel compétent, du financement, des candidats au pastorat valables, rien n’est facile. Ce sont des défis constants. Et de plus en plus on recherche des théologiens avec des diplômes d’études graduées. Il faut du prestige... Mais chez les évangéliques francophones, il y a très peu de ressources pour ce faire, ce qui peut pousser les collèges bibliques à avoir recours à des projets de «collaboration» avec des universités séculières, voir même des départements de théologie catholiques. Et en se mettant en position de demandeur[35], cela ouvre la porte à une influence qui ne devrait pas exister dans un collège biblique évangélique.

Je soulève ces questions non pas pour pointer du doigt des institutions ou individus particuliers ou encore pour mépriser le travail fait dans des circonstances difficiles, mais pour souligner le fait que les responsables d’associations d’églises évangéliques DOIVENT s’assurer que non seulement les collèges bibliques sous leur responsabilité paient leurs comptes, trouvent des profs et recrutent suffisamment de candidats au pastorat, mais s’assurent également que le CONTENU de l’enseignement est fait dans les règles et respecte le credo ou la déclaration de foi de l’association d’églises qu’il est censé représenter. Mais si on se ferme les yeux en prenant pour acquis que «tout va bien» dans nos collèges bibliques, alors il se peut que dans une génération nos églises évangéliques vont tolérer l’homosexualité et ordonner des pasteurs gais.

Les théologiens intimidés par le «discours scientifique» sur la question des origines doivent comprendre une question fondamentale sur la science. Lorsque les scientifiques parlent de choses qu’ils ont observées, ils peuvent parler avec toute autorité. C’est de cette science que naissent les nouveaux antibiotiques, les moteurs à combustion interne plus performants et c’est cette science qui permet d’aller sur la Lune (et d’en revenir). La science propose donc des outils pour examiner le monde observable et comporte des outils pour filtrer les données erronées ou subjectives en exigeant que l’on puisse répéter les résultats d’une expérience. Ainsi pour observer le très petit on a des microscopes, et pour le très lointain, des télescopes, mais touchant un événement passé[36] et unique comme l’origine de la vie, la science ne peut rien proposer. On peut consulter des documents rédigés par des témoins oculaires, mais c’est tout. Et lorsqu’il n’y a pas de documents, on ne peut rien proposer. Il n’existe pas de machine à voyager dans le temps afin d’observer les origines.

L’Origine de la vie et du cosmos ne relève donc pas de la science. Les scientifiques peuvent évidemment proposer des scénarios, mais cela n’a rien à voir avec la science basée sur l’observation qui nous donne de nouveaux antibiotiques ou des moteurs à combustion plus économiques. Dans les faits ces scientifiques discourant sur les origines ne font pas de la science mais de la théologie, une théologie matérialiste évidemment... Les théologiens doivent donc comprendre un fait critique, c’est-à-dire que la science est limitée et n’a pas les outils pour parler avec compétence ou autorité de la question des origines. La meilleure chose qu’elle puisse proposer est d’examiner des données empiriques existant dans le présent et déduire... Mais c’est très différent d’une observation directe. Aucune expérience en labo ne peut prouver l’origine de la première cellule, c’est un événement unique et personne ne peut savoir si le scénario proposé par les évolutionnistes a bien eu lieu. Pour ça il faut les observations d’un témoin oculaire!

Par ailleurs, les théologiens ignorent généralement que les grandes prétentions des positivistes du passé affirmant que la science pouvait nous conduire à la VERITE ont été réduites au néant par la philosophie de la science au XXe siècle. La science peut nous fournir des informations utiles sur le monde qui nous entoure, mais pour connaître la vérité, un point de repère absolu, il faut chercher ailleurs. Des philosophes de la science plus honnêtes tels que Michael Ruse (bien qu’évolutionniste ardent) admettent que l’évolution est une religion ou du moins sert des fonctions religieuses. Et en tant qu’anthropologue, je dirais qu’il serait plus précis de dire que la théorie de l’évolution est en fait un mythe d’origines matérialiste, l’aboutissement logique de la pensée des Lumières.

La position des théologiens s’appuyant sur la Bible est donc beaucoup plus forte qu’ils peuvent ne le penser. Ils n’ont pas à se sentir le moindrement intimidés par les déclarations des scientifiques sur la question des origines, car sur le plan épistémologique, la question par Dieu à Job reste toujours pertinente : Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l’intelligence (Job 38 : 4). La science véritable est fondée sur l’observation et la théorie de l’évolution n’a rien à voir avec la science véritable.

Une fois ces choses établies, il reste une dernière question fatidique : trouvera-t-on des théologiens[37] ou dirigeants évangéliques assez courageux pour sortir la tête de la tranché et oser s’opposer aux courants dominants de notre génération lorsqu’elles sont clairement en contradiction avec les affirmations de la Bible? Cherche-t-on l’approbation des hommes ou celle de Dieu? Il ne faut pas oublier qu’il nous faudra rendre des comptes devant Dieu un jour de tout ce que l’on aura dit.

Attitudes à l’égard de la Vérité

Si les Huguenots étaient prêts à souffrir ou mourir pour la Vérité, c’est loin d’être le cas des évangéliques de notre génération. Il y a tout lieu de croire que l’attitude des évangéliques actuels à l’égard du Catholicisme par exemple ferait retourner dans leurs tombes leurs ancêtres Huguenots. Evidemment les catholiques ont cessé les persécutions[38] et la violence tels que décrites dans les Tragiques et les Larmes, mais est-ce que cela suffit pour expliquer «l’ouverture» de beaucoup de protestants et d’évangéliques vis-à-vis le catholicisme? A quoi cela tient? Il est vrai que les catholiques permettent désormais aux laïcs la lecture de la Bible, mais est-ce un changement radical? Pour bien des catholiques le concile Vatican II constitue un événement «dramatique», mais du point de vue évangélique c’est plutôt dérisoire. Tout ça pour admettre qu’on est plus au Moyen Age et qu’il faut une liturgie dans le langage courant plutôt que le latin? C’est un «changement» cosmétique tout au plus. Pour le Protestant cohérent, la question véritable est, est-ce que l’Eglise catholique a abandonné ses doctrines et enseignements qui sont contraires aux Ecritures? Par exemple :

  • le salut par les œuvres (en assistant régulièrement à la messe et en participant aux sacrements. Pour les évangéliques le sacrifice de Christ sur la croix pour nos péchés est la SEULE institution qui puisse nous sauver)
  • le baptême des enfants[39]
  • la prière à Marie et aux saints
  • l’immaculée conception de Marie
  • Marie comme «co-rédemptrice» (visions de Fatima[40])
  • le purgatoire[41]
  • l’adoration d’images et de statues «miraculeuses».[42]
  • l’infaillibilité du pape
  • le célibat obligatoire du clergé[43]
  • la vente d’indulgences
  • l’immaculée conception de Marie
  • Marie comme vierge perpétuelle
  • la transsubstantiation (communion)

Force est de constater que l’Eglise catholique n’as pas bougé d’un iota sur le plan doctrinal. Si donc aujourd’hui il y a «dialogue» ou «collaboration» entre catholiques et évangéliques, ce n’est pas dû à un changement véritable chez les catholiques, mais plutôt à un changement d’attitude chez les évangéliques. En mettant de côté toute hypocrisie politiquement correcte et pour dire les choses clairement, la vérité intéresse beaucoup moins les évangéliques de cette génération et de ce fait ils sont prêts aux compromis doctrinaux lorsqu’ils jugent cela utile (par exemple, dans le but d’avoir accès aux ressources financiers ou structurales de l’Eglise catholique). La crainte des hommes, la crainte d’être étiqueté «intolérant» est un facteur à considérer dans cette équation...

Evidemment des océans d’encre polémiques ont été publiés sur ces questions et pour le lecteur catholique de ces lignes il peut apparaître difficile de départager les choses jusqu’à ce que l’on pose une question assez simple, une question fondamentale : Où est la Vérité? Après avoir répondu à cette question, on pourra trancher sur toutes les autres questions litigieuses qui divisent catholiques et protestants (et dont la liste ci-dessus représente une partie).

Dans ce contexte, est-ce même concevable qu’un jour l’Eglise catholique puisse reconnaître ses erreurs? Dieu le sait. Pour les évangéliques la question de la collaboration ici n’est donc pas posée uniquement en termes politiques (où tout peux se négocier), mais d’abord doctrinaux. Et sur ce plan l’Eglise catholique a démontré aucune flexibilité. La question fondamentale ici n’est donc pas lié à l’imposition d’un point de vue «protestant» ou «évangélique», mais simplement le constat qu’un jour viendra où toutes les questions de politique ecclésiastique seront réduites à néant et que tous (catholiques et protestants) auront enfin des comptes à rendre devant Dieu sur ce qu’on aura fait avec la Vérité qu’il nous a laissée.

Si au cours du XXe siècle les évangélistes ont donc cessé de prêcher sérieusement au sujet du péché, à mon avis ceci est dû en partie au fait que le message de l’Evangile s’est retrouvé en compétition avec des idéologies matérialistes issues du Siècle des Lumières, des idéologies rejetant le récit de la Genèse et de ce fait, rendant «dépassé», les concepts de Chute et de péché. Dans The Problem of Pain, C. S. Lewis a fait des remarques fortes utiles au sujet du péché (1940/1977 : 46) :

«Une redécouverte du vieux sens du péché est essentielle au Christianisme. Christ prend pour acquis que les hommes sont mauvais. Jusqu’à ce que nous acceptions la vérité de ce présupposé de Christ, bien que nous fassions partie du monde auquel Il est venu sauver, nous ne faisons pas partie de l’auditoire à laquelle ses paroles sont adressées.»*

Conclusion
Si les évangéliques du XIXe et XXe siècle n’ont pas su relever le défi des idéologies matérialistes et ont abandonné[44] le monde intellectuel et artistique aux héritiers des Lumières[45], le défi qui confronte les évangéliques aujourd’hui est celui de la pensée postmoderne, une pensée qui n’est plus matérialiste militante, qui est à toutes fins utiles désormais ouverte au «spirituel» et au «surnaturel» au sens le plus large[46], mais qui rejette tout concept de vérité et qui DETESTE de manière absolue l’idée que Quelqu’un puisse avoir un mot à dire sur son comportement ou ses attitudes. Le défi qui confronte les évangéliques du XXIe siècle sera simplement d’affirmer à la génération qui nous entoure qu’un jour, nous aurons TOUS des comptes à rendre devant le Juge des âmes et que si on n’a pas reconnu notre péché ici-bas, accepté le sacrifice de Christ sur la croix et marché sur le chemin de la repentance alors nous ferons face au jugement de Dieu et allons nous retrouver dans le feu éternel. Si les Ecritures nous disent que Le commencement de la sagesse, c’est la crainte de l’Eternel (Prov. 9 : 10) il faut constater qu’il y a peu de sagesse dans notre génération. Mais est-ce que les évangéliques de notre génération sauront relever ce défi et se repentir de leurs multiples compromis, où persisteront-ils à jouer de petits jeux religieux/marketing insignifiants? Le défi de tout individu se disant chrétien de nos jours c’est de faire comme le dit l’apôtre Paul dans II Corinthiens 13 : 5 : Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus Christ est en vous? à moins peut-être que vous ne soyez réprouvés.

Si on termine cette lecture en pensant que l’auteur est d’avis que le chrétien devait toujours avoir le visage morose, ne jamais rire, que la Bible ne prescrivait de ne pas d’être heureux en Dieu, de trouver en Dieu la source de tous nos délices, on m’as mal compris. Comment ne pas être heureux lorsque nous sommes touchés par sa grâce? Comment ne pas être heureux lorsque, par la grâce, nous parvenons à vaincre le péché dans notre vie et marcher dans l’obéissance? Comment ne pas être heureux lorsque nous sommes touchés par sa présence? Comment ne pas être heureux lorsque nous contemplons la beauté d’un coucher de soleil, le premier sourire de son bébé ou la beauté d’une femme (avec des yeux innocents, par la grâce de Dieu...). Comment ne pas être heureux lorsque nous goûtons les plaisirs simples d’un bon repas avec un ami (ou un repas réduit à sa plus simple expression, mais avec un bon ami) ou encore de la compagnie sympathique (et rigolote) d’un chien? Dans ce monde ci, il y a des moments du clin d’œil de Dieu, des moments où on sent un léger souffle d’Eden[47]. Toutes ces choses viennent de la main de Dieu, chez qui il n’y a ni ombre ni variation. Jacq. 1 : 17

Bien sûr on doit recevoir ces choses avec gratitude, mais c’est très différent de propager la doctrine que l’on puisse établir ICI-BAS notre petit paradis où nous serions libérés de TOUTES nos afflictions et que TOUS nos désirs seraient comblés (par la «foi» bien sûr). C’est le paradoxe de ces versets «oubliés» d’Hébreux 11...

Toute la Création et les anges nous regardent.

Que Dieu nous secoure et nous visite.

Je sanctifierai mon grand nom, qui a été profané parmi les nations, que vous avez profané au milieu d’elles. Et les nations sauront que je suis l’Eternel, dit le Seigneur, l’Eternel, quand je serai sanctifié par vous sous leurs yeux. Je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous ramènerai dans votre pays. Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau; j’ôterai de votre corps le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous, et je ferai en sorte que vous suiviez mes ordonnances, et que vous observiez et pratiquiez mes lois. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères; vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu. Je vous délivrerai de toutes vos souillures. J’appellerai le blé, et je le multiplierai; je ne vous enverrai plus la famine. Je multiplierai le fruit des arbres et le produit des champs, afin que vous n’ayez plus l’opprobre de la famine parmi les nations. Alors vous vous souviendrez de votre conduite qui était mauvaise, et de vos actions qui n’étaient pas bonnes; vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût, à cause de vos iniquités et de vos abominations. Ce n’est pas à cause de vous que j’agis de la sorte, dit le Seigneur, l’Eternel, sachez-le! Ayez honte et rougissez de votre conduite, maison d’Israël! Ainsi parle le Seigneur, l’Eternel : Le jour où je vous purifierai de toutes vos iniquités, je peuplerai les villes, et les ruines seront relevées; la terre dévastée sera cultivée, tandis qu’elle était déserte aux yeux de tous les passants; et l’on dira : Cette terre dévastée est devenue comme un jardin d’Eden; et ces villes ruinées, désertes et abattues, sont fortifiées et habitées. Ezéch. 36 : 23-35

Paul Gosselin
Source : Site Internet Samizdat
Date de parution sur www.apv.org : 24.03.14

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Toutes les citations suivies d’un astérisque sont traduites par l’auteur.

Notes

[1] - Les évènements décrits par Pineton de Chambrun ont eu lieu dans la principauté d’Orange, qui est situé dans l’actuel département de Vaucluse (au sud-est de la France).

[2] - On peut penser à Justin Martyr ainsi que ses compagnons chrétiens du IIe siècle qui furent traduits devant le préfet Rusticus et sommés de verser une libation à l’honneur des dieux romains. Ils ont refusé cette «petite requête», préférant rester témoins fidèles à la Vérité et subir la mort. Ces événements sont relatés dans l’Apologie de Justin.

[3] - C’est-à-dire coucher avec le roi, chacune à son tour...

[4] - Une corde avec laquelle on étranglait ou on pendait les criminels.

[5] - Les «dragons» furent des soldats du roi Louis XIV. Ils étaient autorisés d’occuper à volonté les maisons des Huguenots et piller tout ce qui leur tombait sous la main. L’objectif était d’obtenir par la force ces conversions au catholicisme.

[6] - Et c’est ce qui est arrivé en Nouvelle-France où les Huguenots furent forcés, à l’arrivée des Jésuites en 1650, soit d’abjurer pour devenir catholiques ou fuir de manière clandestine vers les colonies britanniques. De toute manière en Nouvelle-France même avant 1650, il me semble fort probable que les Huguenots n’ont jamais eu liberté de culte ou la possibilité de se construire des lieux de culte.

[7] - Cette description dans 2Thessaloniciens des événements de la Fin devrait nous faire réfléchir :

Pour ce qui concerne l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui, nous vous prions, frères, de ne pas vous laisser facilement ébranler dans votre bon sens, et de ne pas vous laisser troubler, soit par quelque inspiration, soit par quelque parole, ou par quelque lettre qu’on dirait venir de nous, comme si le jour du Seigneur était déjà là. Que personne ne vous séduise d’aucune manière; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu. Ne vous souvenez-vous pas que je vous disais ces choses, lorsque j’étais encore chez vous? Et maintenant vous savez ce qui le retient, afin qu’il ne paraisse qu’en son temps. Car le mystère de l’iniquité agit déjà; il faut seulement que celui qui le retient encore ait disparu. Et alors paraîtra l’impie, que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa bouche, et qu’il anéantira par l’éclat de son avènement. L’apparition de cet impie se fera, par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l’iniquité pour ceux qui périssent parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. Aussi Dieu leur envoie une puissance d’égarement, pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l’injustice, soient condamnés. (2Th 2 : 1-12) Et nous, démontrons-nous l’amour de la Vérité?

[8] - Ou, à l’inverse, la source de notre lâcheté?

[9] - SI je trouve admirable le courage et la ténacité des Huguenots devant la souffrance et la persécution, cependant je ne peux louer Pineton de Chambrun à tous les points de vue. Si au milieu de la souffrance, il se montre d’un grand courage devant ces persécuteurs, devant ses alliés, il se montre parfois d’une servilité plutôt pénible pour les oreilles modernes. Cela faisait partie du protocole de l’époque? Je veux bien, mais Pineton de Chambrun fait preuve parfois d’une servilité qui frôle le blasphème, comme on le voit ci-dessous dans les dernières lignes d’une note qu’il adresse à la Princesse [Marie] d’Orange :

«Il me suffit donc d’adresser mes prières à mon Dieu, pour lui demander qu’il lui plaise de remplir son Auguste maison [celle de la Princesse d’Orange] de ses plus précieuses bénédictions du ciel en haut, et de la terre en bas, d’accomplir les souhaits de son cœur, de lui donner une vie longue, un amour ardent pour son Eglise; afin que nous puissions dire : Voici la grande et bienheureuse Marie de nos jours, qui fait renaître le Sauveur du monde

Marie d’Orange, qui fait renaitre le Sauveur du monde? C’est un commentaire plutôt bizarre, venant de la bouche d’un Protestant pur et dur tel que Pineton de Chambrun. On s’attendrait d’un tel langage plutôt de la bouche d’un Catholique mais pas d’un Huguenot...

[10] - Dans un contexte où, peut-être, seule notre réputation ou des opportunités de carrière sont menacées.

[11] - Bien que le jugement soit une doctrine largement oubliée dans notre génération d’évangéliques, si on consulte le Nouveau Testament pourtant, le jugement fait bien partie de la prédication de l’Evangile. Jean-Baptiste a prêché la repentance (Mt 3 : 1-12) ce qui implique nécessairement que tous les hommes ont des comptes à rendre devant Dieu. Jésus, pour sa part, a souvent parlé du jour de jugement (Lu 10 : 14 ; Mt 11 : 22) et a aussi indiqué que l’Esprit qu’il allait envoyer devait convaincre le monde de justice et de jugement (Jn 16 : 8). D’autre part le jugement a fait partie de l’Evangile prêché par les apôtres Paul (Ac 24 : 5), Jacques (Jc 5 : 12) et Pierre (1Pierre 4 : 17 ; 2Pi 2 : 4).

[12] - C’est-à-dire les lesbiennes, bisexuels, gais et transsexuels.

[13] - Et si les évangéliques sont en croissance dans le monde non développé, cela n’est-il pas dû au fait que la cosmologie évolutionniste et les idéologies qui en dépendent y ont moins d’influence que chez nous (sauf ceux qui sont venus chez nous pour se former et ont subi notre système d’éducation [ou d’endoctrinement si on veut]).

[14] - Evidemment il y a chez les évangéliques, ici et là, quelques exceptions aux affirmations qui suivent. Des exceptions justement...

[15] - Car exclu par leur idéologie.

[16] - L’Apôtre enseignait les premiers chrétiens :

J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement; mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés. Or, l’espérance qu’on voit n’est plus espérance : ce qu’on voit, peut-on l’espérer encore? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance. Rom. 8 : 18-25

[17] - Il faut noter que le jugement des Nazis est tombé plutôt rapidement. Est-ce dû au fait que les Nazis se sont attaqués à la prunelle de l’œil de Dieu, le peuple Juif?

[18] - Quelques vestiges du communisme subsistent, il est vrai, en Chine, mais c’est maintenant un communisme politique (parti unique), mélangé à un capitalisme économique. La Corée du Nord est peut-être le seul survivant du communisme «pur et dur», mais pour combien de temps encore?

[19] - Du moins c’est un avis personnel, sans plus.

[20] - A son sujet, Pascal avait ces paroles amères (1670/1960 : 94) :

Je ne puis pardonner à Descartes; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu; mais il n’a pu s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement; après cela, il n’a plus que faire de Dieu.

[21] - Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il était plutôt scandaleux en Occident d’admettre qu’on était athée (il est fort possible qu’on voyait plus clairement qu’aujourd’hui les implications éthiques de cette position). Une position plus confortable, le déisme affirmait l’existence d’une divinité, mais d’une divinité qui n’avait pas d’autre rôle que celui de Cause Première. Il s’agissait évidemment d’une divinité lointaine, sans influence réelle dans la vie quotidienne. En somme, elle jouait un rôle comparable à celui d’une variable dans une équation... Utile sur le plan logique, mais sans autre signification véritable. Le déisme était, jusqu’à lors, une nécessité, et ce, pour deux raisons :

  1. Sur le plan logique, il n’y avait pas d’explication plausible des origines de la vie et du cosmos.
  2. Sur le plan moral, assez difficile encore, car comment soutenir un code moral public sans Législateur divin?

[22] - Pascal a fait de nombreuses découvertes scientifiques et mathématiques dont : les lois de la pression atmosphérique et de l’équilibre des liquides, le triangle arithmétique et la presse hydraulique. Il a fait également des recherches importantes dans le domaine des probabilités.

[23] - A ce sujet, voir l’article du microbiologiste américain Jerry Bergman en bibliographie.

[24] - Particulièrement les positivistes et néo-positivistes.

[25] - Car une prise de position cohérente contre le mythe d’origines évolutionniste peut coûter cher à un professeur d’université ou scientifique. Pour s’en convaincre, voir le documentaire anglais Expelled : No Intelligence Allowed avec Ben Stein.

[26] - Autrefois portant le nom Henri de Navarre et de foi protestante.

[27] - Agrippa d’Aubigné, compagnon d’armes d’Henri IV et huguenot convaincu, a rejeté cet avis.

[28] - Et dont font partie les Huguenots.

[29] -L’occidental éduqué de notre génération.

[30] - C’est-à-dire une forme de fantasme irrationnel.

[31] - Le texte original :

Condor : "Was there a particular point, something you read or experience you had, where you said, ‘That’s it, God dœsn’t exist?’" Dawkins : "Oh, well, by far the most important, I suppose, was understanding evolution. I think the evangelical Christians have really sort of got it right, in a way, in seeing evolution as the enemy. Whereas the more - what shall we say - sophisticated theologians who are quite happy to live with evolution, I think they’re deluded. I think the evangelicals have got it right in that there really is a deep incompatibility between evolution and Christianity."

[32] - Mais bon, il faut admettre que la St-Barthélémy et les autres persécutions en France au XVIe et XVIIe siècles ont décapité l’intelligentsia huguenote. N’eut été de ces événements, les choses serait bien différents possiblement. Il reste qu’une bonne part de la position du calvinisme sur les arts est une réaction aux abus des arts sous le catholicisme (Voir Hors du ghetto). Pas toujours facile de départir la chèvre et le chou...

[33] - C’est-à-dire la majorité des occidentaux éduqués en somme... Et dans nos milieux francophones, la situation est pire...

[34] - Comme c’est le cas des églises Unies et les Anglicans (mais pas les Anglicans africains, il y a toujours quelques exceptions).

[35] - Voir Proverbes 23 : 1-2.

[36] - Et lorsque du passé il nous reste des documents ou autres vestiges, l’archéologie, la linguistique, l’anthropologie, la biologie humaine, l’astronomie et autres sciences nous permettent d’étudier le passé et peuvent parfois confirmer ce que la Bible affirme. Ceci dit, il est essentiel de comprendre qu’entre les données empiriques (documents et artéfacts) et l’interprétation proposée par ces sciences, on fera trop souvent silence sur le rôle des présupposés avec lesquels on a analysé ces données... Ce silence permet de donner un ton autoritaire aux discours que l’on tiendra et les protéger des critiques...

[37] - Un des rares théologiens connus à prendre position pour une lecture direct/littérale de la Genèse est le Baptiste Albert Mohler.

[38] - Faut dire que la Révolution de 1789 a cassé le pouvoir politique catholique en France et dans le monde anglophone/Protestant, le catholicisme s’est vu forcé de s’adapter à un état de minoritaire. Possiblement quelques leçons ont été apprises de cet état.

[39] - Ouais, je sais... Les Huguenots étaient d’accord avec ce concept catholique. On me dit que le baptême des enfants a une «longue tradition», mais le sacrifice humain également... On peut avancer n’importe quoi avec un tel argument. Mais pour les évangéliques, seul les Ecritures ont le dernier mot. Il est clair que les Ecritures stipulent une condition au baptême, seul une personne consciente de ses gestes peut se convertir et être baptisé :

Comme ils continuaient leur chemin, ils rencontrèrent de l’eau. Et l’eunuque dit : Voici de l’eau; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé? Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. L’eunuque répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. (Actes 8 : 36-38)

D’autre parti il faut indiquer que dans l’argumentaire des paedobaptistes (ceux, comme les catholiques et anglicans, qui enseignent qu’il faut baptiser les enfants) on exploite de manière malhonnête le verset «Et Jésus dit : Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent.» (Mt 19 :14) L’argumentaire des paedobaptistes laisse entendre que les chrétiens qui rejettent cet enseignement sont donc cruels et ne veulent pas «accueillir» les enfants. De vrais sans cœurs! Mais qu’en est-il dans les faits? Matt 19 :14 ne parle pas de baptême et ne dit rien à ce sujet. Il y est question plutôt de discrimination dans la vie de tous les jours. Matt 19 :14 fait donc partie d’un ensemble de versets sur la discrimination distribués ici et là dans l’Ancien et le Nouveau Testament. (Lév 19 :34; Luc 18 : 10-14; Jn 4 : 9 & 27; 1Cor. 1 : 26-29; 1Cor 12; Jacques 2 : 2-10). Il ne faut donc pas faire dire aux Ecritures des choses qu’elle ne dit pas, sinon on court le risque de tomber sous le jugement de ceux qui ajoutent à la Parole de Dieu (Apocalypse 22 : 18-19). Si on s’en tient uniquement aux versets où il est EXPLICITEMENT question de baptême, l’argumentaire des paedobaptistes tombe en morceaux. Première chose à constater, le Nouveau Testament (parfois plus exigeant que l’Ancien, par exemple, sur l’œil adultère) ne donne aucun exemple clair de baptême d’enfants. Autre détail, l’enseignement paedobaptiste a été développé dans des sociétés où la mortalité infantile était élevée et où on croyait que le baptême était essentiel pour entrer au ciel (contredit par le cas du bon larron). Je suis père de famille et je peux très bien comprendre la logique émotive que l’enseignement paedobaptiste est censé «soulager». Mais à mon avis cela repose sur une confiance déficiente dans la Justice Divine. Croit-on vraiment que Dieu est juste? Si oui, pas besoin de cette doctrine ni de «solutions» que les Ecritures ne proposent pas.

[40] - Tout au plus, trouvera-t-on quelques théologiens catholiques qui trouvent que sur ce point précis, les visionnaires de Fatima sont allés un peu «trop loin». Les Ecritures, par contre, sont bien clair sur ce point :

Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. (Jean 14 : 6)

Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme (1Ti 2 : 5)

Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème! (Gal 1 : 8)

[41] - Si au cours du XXe siècle le concept du purgatoire a été quelque peu négligé dans l’enseignement de l’Eglise catholique, récemment il semble avoir été réhabilité comme en témoigne l’article qui suit :

For Catholics, a Door to Absolution Is Reopened - Nicole Bengiveno/The New York Times
http ://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9D03E0D61F38F933A25751C0A96F9C8B63

[42] - On n’a qu’à penser à une statue en bronze de St-Pierre érigée dans la basilique du même nom à Rome et dont les pieds ont été usés par les pèlerins tant ils l’ont tant baisé au cours des siècles!!!

[43]- C’est un fait mal connu que pendant de longs siècles certaines régions de l’Europe admettaient sans problème les prêtres mariés. Vers l’an 800, les pressions de la hiérarchie romaine finirent par mettre fin à cette pratique. A ce sujet, notons quelques études publiées dans une revue théologique catholique :

Balducelli, Roger The Apostolic Origins of Clerical Continence : A Critical Appraisal of a New Book. pp. 693-705 in Theological Studies Vol. 43 no. 4 Dec. 1982.

Callam, Daniel Clerical Continence in the Fourth Century : Three Papal Decretals. pp. 3-50 in Theological Studies Vol. 41 no. 1 March 1980.

Hunter, David G. Resistance to the Virginal Ideal in Late Fourth-Century Rome : The Case of Jovinian. pp. 45-64 in Theological Studies Vol. 48 no. 1 1987.

Récemment, lors d’une entrevue télévisée, un prélat catholique québécois (un évêque) à qui on posait la question touchant la possibilité du mariage chez les prêtres dans l’Eglise contemporaine, a répondu : «Ce n’est qu’une question de temps»...

[44] - A une époque où triomphait la pensée des Lumières, C.S. Lewis a été un instrument exceptionnel pour s’opposer à ce courant, autant sur le plan intellectuel qu’artistique. Mais il ne se considéra pas Evangélique de toute manière... Plus tard viendra Francis Schaeffer qui sera un premier Evangélique à se battre sur le plan intellectuel/philosophique. Et sur le plan artistique, plus tard des chrétiens issus du Jesus Revolution des années 1960-1970 se mettront à l’œuvre pour produire de la musique pour leur génération, le rock chrétien, boudé autant par l’église que par les non-chrétiens, mais qui finira par trouver sa place.

[45] - Et que les évangéliques désignent plus souvent sous l’épithète, «pensée humaniste».

[46] - Ce qui inclut évidemment l’occultisme. Cette pensée ouvre donc la porte à un scénario semblable à celle décrit par C.S. Lewis dans son roman That Hideous Strength/Cette hideuse puissance (1945) où la science et l’occultisme sont alliés. Verra-t-on apparaître, dans notre génération, la religion de l’Antéchrist, une religion syncrétique mondiale?

[47] - Concept que j’explore dans mon livre Hors du ghetto. C.S. Lewis a également examiné cette question à sa manière dans une brève note portant le titre «Hedonics» et publié dans le recueil Present Concerns.

Source : Site internet Samizdat
Date de parution sur www.apv.org : 30.11.15

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